Revue de Presse – Zoom sur le BAPE : Bureau d’Aide Psychologique aux Etudiants

MetzÉtudiants dépressifs : « Je ne sors que pour aller aux partiels et chez le psy »

La crise sanitaire a fragilisé la santé mentale des étudiants et malgré le retour des cours en présentiel, elle reste préoccupante. L’angoisse de transmettre le Covid à ses proches, l’incertitude de l’avenir et d’autres tourments viennent affecter le moral de certains qui peuvent présenter des troubles dépressifs.

Sur le campus du Saulcy, beaucoup d’étudiants affectés par la crise sanitaire ont consulté les psychologues de l’université. Photo RL /Florent HEIB

Du logement au cabinet du psychologue. Julia, étudiante en lettres, connaît ce chemin par cœur. Elle l’emprunte toutes les semaines. Comme elle, beaucoup d’étudiants, fragilisés par la situation sanitaire, consultent les psychologues de l’université. Les troubles anxieux et dépressifs se sont multipliés dans la population estudiantine.

Sur le campus du Saulcy, le BAPÉ, bureau d’aide psychologique aux étudiants , met en place des consultations gratuites pour les étudiants de 18 à 27 ans. Si tous n’ont pas le courage de pousser la porte du psy, Julia a pris « conscience de l’urgence de la situation ». Depuis le mois d’octobre, la jeune femme est suivie toutes les semaines par un psychologue du BAPÉ.

Peur de la mort

L’étudiante a passé une deuxième année de licence en distanciel. Alors quand elle est retournée pour la première fois en cours à la rentrée de septembre, elle n’a « pas réussi à créer des liens et à rester entourée ».

Julia a même développé une phobie sociale, une anxiété telle, qu’elle ne va plus en cours. « Je bosse chez moi, je ne sors pas du tout », raconte Julia. « Je sors juste pour mes rendez-vous médicaux et pour aller aux partiels. » De peur de transmettre le coronavirus à ses proches fragiles, elle préfère rester chez elle. La crainte de la mort et une accumulation de beaucoup d’autres angoisses dont une expérience post-traumatique ont contribué à l’aggravation du mal-être de Julia.

« Le Covid vient ruiner tous mes projets »

À l’incertitude de la pandémie s’ajoute le manque de contrôle, « c’est un frein à faire des projets », explique l’étudiante. L’absence de visibilité sur la fin de la crise sanitaire et sur l’avenir affecte son moral. Julia ne « trouve plus beaucoup de sens » dans ce qu’elle fait. « Le Covid vient ruiner tous mes projets, je ne peux pas les mettre en place », s’inquiète-t-elle.En plus des consultations hebdomadaires chez les psychologues, elle est également suivie par un psychiatre au BAPÉ. Elle se voit prescrire des antidépresseurs et des anxiolytiques. « Ça aide à être un peu moins déprimé », confie la jeune étudiante.

Malgré tout, elle peut compter sur l’entraide de ses camarades. Une amie lui envoie les cours et ses professeurs comprennent sa situation. Mais cette bienveillance, tout le monde n’y a pas droit. « Quand tu n’as pas ça, c’est encore pire », note-t-elle.

L’étudiante le sait, elle n’ira pas mieux « dans un avenir proche ». Elle continue les consultations chez les spécialistes et a même expérimenté des thérapies par l’hypnose. « C’est ce qui m’aide le plus. »

Questions à

« On s’attend à des effets sur le long terme »

Julie Beauvier et Mathieu Testa, Psychologues au BAPÉ (Bureau d’aide psychologique aux étudiants)

Julie Beauvier et Mathieu Testa sont psychologues au BAPÉ. Photo RL /Florent HEIB

Quel effet a la crise sur la santé mentale des étudiants ?

Julie BEAUVIER, psychologue au BAPÉ, bureau d’aide psychologique aux étudiants : « Cette période incertaine intensifie les questions déjà présentes des étudiants sur eux et sur leur avenir. La pandémie est un amplificateur qui les prend à la gorge et ils se sentent encore plus démunis. »

Mathieu TESTA, psychologue au BAPÉ  : « Forcément, ça a des effets, mais on s’attend à des effets sur le long terme. Il faut des années pour voir les conséquences sur les étudiants bouleversés par la pandémie. »

Avez-vous assisté à un afflux de demandes de consultations ?

M. T.  : « Il faut compter deux mois d’attente. Pour les étudiants non-flexibles ça peut prendre jusqu’à six mois, on ne peut pas faire à la carte. »

J. B.  : « On reçoit durant notre pause déjeuner, parfois jusqu’à 19 h. Les rendez-vous ne sont jamais les mêmes : on doit s’adapter aux stages, aux périodes d’examens, on travaille avec la visioconférence. »

Face à la hausse du nombre de consultations, que réclamez-vous ?

J. B.  : « On aimerait que l’ARS (Agence régionale de santé, NDLR) augmente de façon pérenne les moyens. On ne cesse de le dire à nos directions. On demande un temps de psychologue en plus et l’augmentation du temps de travail du psychiatre et de la secrétaire. »

M. T.  : « Depuis quelques années, on a des difficultés à s’organiser avec les emplois du temps des étudiants variables. À Metz, on est le seul BAPÉ de Lorraine. On reste une petite équipe et on ne peut pas recevoir rapidement. Le Covid n’est pas fini, on est toujours en plein dedans et on navigue à vue. »

Propos recueillis par Florent HEIB.
Source : Républicain Lorrain

Publié le 24/01/2022

TOP